Violences urbaines - témoignage



Dans la nuit du 29 au 30 juin nous avons été victimes collatérales, ma famille et moi du climat de violence qui régnait dans notre pays et surtout des émeutes qui ont fait suite au décès du jeunes Nael. Cela faisait plusieurs jours que nous suivions cette question aux informations sans jamais nous douter que le vent de violence qui soufflait finirait par nous toucher également.

J’habite une ville qui n'avait auparavant jamais connu de tels événements. Une rue tranquille dans le centre ville. Je me rappelle de mes files qui vers minuit-trente ce soir là descendent me trouver dans la chambre en me disant qu’elles entendaient beaucoup de bruit dehors ; des bruits ressemblant à des détonations. Mon mari et moi avons d’abord balayé leurs inquiétudes en peur proposant un temps de prière, puis les ont renvoyées au lit. Mais les détonations se sont faites plus proches et plus importantes. Mon mari a décidé de sortir pour évaluer la situation. Au moment où il s’en va et ferme la porte, je rassemble mes filles avec moi et nous poursuivons la prière car elles n’arrivent plus à dormir.

30 minutes après le départ de mon mari, nous apprenons que des bandes de jeunes ont vandalisé la mairie, les boutiques du centre ville et brûlé plusieurs voitures sur le parking municipal, parking sur lequel se trouvait

notre voiture. Mon mari décide de rester sur le parking, pour surveiller. Il y a aussi des voisins ainsi que les forces de l’ordre. Ils l’informent que des jeunes venant d’autres villes que la nôtre se sont organisés et frappent simultanément plusieurs villes dans le 77. Ils sont débordés et doivent repartir.

Nous sommes donc 3 à la maison. Mes filles et moi lorsque l’aînée me dit voir des flammes devant chez nous. Je m’entends encore lui dire que ce n’est rien, persuadée que ce qui se passait n’était pas réel et que cela ne pouvait pas nous arriver. La détonation qui a suivi me ramène à l’évidence : La situation est grave. Nous étions prises au piège, avec l’impossibilité de sortir car le feu s’était étendu de la voiture sur le trottoir jusqu’à la porte de la maison et le risque d’être balayées par la déflagration du restaurant mitoyen, fonctionnant au gaz, et dont la porte et les vitres commençaient à se briser. Je revois les flammes qui montaient au fur et à mesure de la voiture qui brûlait devant chez nous. Nous avons alors vécu les 40 minutes les plus longues de notre vie.

Pas de réponse des secours, ni de la police qui etaient débordés. Mon mari qui avait fait demi tour arrive trop tard et ne peut pas nous aider à sortir. Dans la maison, je suis prise d’angoisse mais j’essaie de ne pas le montrer à mes filles. Je me rends bien compte qu’il est fort possible que l’on ne s’en sorte pas…

Sans nouvelle des secours, un de nos voisins décide de nous faire sortir par une échelle… Mes filles arrivent à sortir par l’échelle. Les pompiers arrivent quelques minutes après pour m’évacuer à mon tour. Pendant les semaines qui ont suivi, je n’ai pas arrêté de pleurer. Mes filles ne dormaient plus dans leur chambre et plus avant minuit et demi ; heure où les détonations ont commencé. Nous avions besoin d’évacuer le stress et le choc post traumatique provoqué par cet incident. Nous avons eu la chance d’être accompagnés psychologiquement afin de pouvoir dépasser la peur que cet événement avait distillé en nous. La psychologue nous disait que le choc venait du fait que nous étions dans un état de sideration et que le cerveau met du temps à traiter ce type d’événement traumatisant.

Nous sommes toujours accompagnés psychologiquement, mes filles surtout. En témoigner permet aussi de guérir. Je rends grâce à Dieu pour ma vie et celle de ma famille. Cette expérience m’a fait réaliser que la violence avait pris une place prépondérante dans nos relations humaines. Pour que des jeunes aient recours à la violence comme seul moyen d’expression., il faut que ces jeunes aient le sentiment d’un abandon profond.

J’ai pensé à toutes ces femmes , ces parents seuls, cumulant plusieurs boulots pour élever leurs enfants à qui on reproche de ne pas les surveiller… Milles et une questions se bousculent. Mais je n’en veux pas à ces jeunes. Nos sociétés fabriquent leurs monstres. Il nous faut écouter, sans cautionner la violence ; écouter pour reconstruire…


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