À la suite de la rencontre Nationale de Lourdes 2015,
un nouvel élan pour la Mission ouvrière ?
La Mission ouvrière fondée il y a bientôt 60 ans en 1957 par l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France est à un moment important de son existence et de sa mission.
En 1983 l’Assemblée plénière de l’Épiscopat avait voté de nouvelles propositions pour la mission en monde ouvrier dans la ligne d’une pastorale missionnaire.
« La Mission ouvrière, avec son identité et ses modes d'action propres, est un de ces lieux clés de mission et de communion dans nos Églises diocésaines.»
Cette nouvelle étape est le fruit de la Rencontre nationale de la Mission ouvrière qui s’est déroulée à la Cité Saint Pierre à Lourdes pour Pentecôte 2015.
Cette Rencontre nationale était placée sous l’inspiration du prophète Isaïe et de son appel :
« Elargis l’espace de ta tente » (Is 54,2)
Ce rassemblement a apporté du neuf à la Mission ouvrière :
- Une invitation large qui a permis de réunir 1028 participants venus de toute la France
- Une organisation qui a pu s’adapter à des enfants et des jeunes peu représentés dans les précédentes Rencontres Nationales (environ 25 % de moins de 30 ans)
- Un accent mis sur la présentation de nombreuses initiatives missionnaires dans les 10 forums
- Une marche intergénérationnelle à la rencontre de l’autre dans de petits groupes qui se sont retrouvés aussi pour un partage de la Parole de Dieu
- La proposition d’orientations à mettre en œuvre dans la Mission ouvrière en relation avec des partenaires dans l’Église et dans le monde
- Des temps de prière, des temps de fête et de chansons
C’est un esprit nouveau qui a soufflé sur la Mission Ouvrière et qui nous invite à en tirer les conséquences pour le présent et l’avenir.
La Mission ouvrière écoute à nouveau l’invitation du prophète Isaïe : « alors que plane le découragement, (le prophète) demande de se préparer joyeusement et sans tarder au futur que Dieu donne à son peuple, un futur plein de risques et de promesses ». (Préambule au texte des Orientations)
1) Aujourd’hui la Mission ouvrière se définit autour de quatre intuitions fondatrices qui ont été rappelées et proclamées au rassemblement national de Lourdes 2015 :
- L’amour des « petits »
- L’entre eux, par eux, pour eux
- L’Esprit de Dieu nous devance
- Une vie relue à la lumière de la Parole de Dieu
2) Ces intuitions demandent aujourd’hui à être reprises dans la ligne d’une « évangélisation renouvelée », selon la formule du pape François. Il en découle quatre orientations.
• Être témoins et acteurs de la construction du Royaume…
… en écoutant les « cris des pauvres », des petits, des oubliés ; en admirant et en recevant leurs richesses et leurs attentes ; en nous engageant ensemble pour la dignité de tout être humain.
...en rencontrant des acteurs économiques, sociaux politiques, associatifs qui participent à leur manière à la construction du Royaume
• Bien enracinés dans nos lieux de vie, partager la joie de croire…
… en donnant sens au travail, en agissant avec tous ceux et celles qui œuvrent pour la justice ; en favorisant le vivre-ensemble, les valeurs populaires, le dialogue interculturel et interreligieux ; en écoutant, en accompagnant, en priant, en témoignant au cœur des événements.
• Lire les Écritures saintes…
… pour entendre une Parole qui interroge, console, dynamise ; pour questionner nos points de vue, changer notre regard et nos comportements ; pour adopter le regard du Christ sur Dieu son Père et notre Père, sur le monde, les situations, les gens ; pour laisser Dieu entrer dans nos vies et pour accueillir les signes de l’Esprit saint comme des étincelles de lumière.
• Développer la communion avec toute l’Église…
… l’effort d’évangélisation commun à tous les membres de la Mission ouvrière et relié au charisme de chacun, doit être partagé aussi avec les paroisses et les autres acteurs ecclésiaux. Nul ne peut travailler à son compte.
C’est pourquoi il est de la responsabilité d’un Conseil diocésain de la mission en monde ouvrier et en milieux populaires d’initier des collaborations entre la Mission ouvrière et d’autres composantes de l’Église diocésaine.
Il est aussi envisageable de susciter des collaborations entre diocèses pour soutenir des réalités plus pauvres et plus fragiles.
3) Depuis 1957, le monde ouvrier a profondément changé et certains préfèrent parler de « milieux populaires ».
Plus hétérogènes, ces milieux sont marqués aujourd’hui par la précarité de l’emploi et de l’existence, le chômage persistant, la pénibilité de nombreuses formes de travail, le sentiment d’abandon et d’exclusion.
Les différentes vagues d’immigration y ont introduit de fortes diversités culturelles et religieuses qui mettent à l’épreuve le désir d’une vie commune et fraternelle.
Les hommes et les femmes qui vivent la condition ouvrière restent nombreux dans la population active ou chez les retraités et habitent souvent des quartiers bien « typés » par leur habitat et leurs rythmes de vie.
Il est donc important pour la Mission Ouvrière de reconnaître aujourd’hui avec toute leur diversité et leur complexité l’existence de ces « milieux populaires » qui sont en attente des réponses de la société et peuvent être touchés par la proposition de l’Évangile.
Ces « milieux populaires » se retrouvent dans les « périphéries » que le pape François a désignées et pour lesquelles il souhaite une Église « en sortie ».
Il y a un véritable défi pour que l’Église ait les moyens d’une présence stable et féconde auprès de ces hommes, femmes, jeunes et enfants souvent blessés ou humiliés par leurs conditions de vie et de travail, par le regard qui est porté sur eux. C’est ainsi que l’Église pourra leur révéler leur dignité, leur capacité à prendre leur vie en main et à s’ouvrir à l’Esprit de Dieu.
Le sondage Opinion Way commandé par le groupe de travail de la Conférence Épiscopale « Église en périphérie » relève que 61% des interrogés trouvent que l’Église n’est pas assez présente dans les milieux populaires.
La Mission Ouvrière est donc appelée à mieux connaître et à rejoindre dans de nouvelles conditions ces « milieux populaires » tels qu’ils sont aujourd’hui.
Elle peut prendre des initiatives dans de nouvelles directions que l’Esprit Saint lui fera découvrir dans la pratique continue de la révision de vie et grâce à un regard lucide, plein d’espérance et ouvrant à l’action dans le monde.
4) La Mission Ouvrière est moins une organisation qu’un vaste réseau présent dans le monde du travail et dans les « milieux populaires ».
Ce réseau relie, met en lien des personnes et des groupes, leur permet d’agir mais aussi de se laisser interroger par des expressions et des initiatives nouvelles.
Il est fondé sur l’expérience et la spiritualité des mouvements d’Action Catholique sur la présence et l’accompagnement de nombreux acteurs sur le terrain : prêtres, diacres, religieux et religieuses, laïcs engagés ou « missionnés » sur un quartier ou une réalité particulière.
La Mission ouvrière garde sans cesse depuis sa fondation le souci d’une première annonce de l’Evangile et d’un accompagnement vers des communautés de croyants solides et durables.
Elle découvre de plus en plus la chance d’avoir des partenaires qui l’appellent à des « sorties » vers les migrants, le dialogue interreligieux, d’autres formes de présence et de spiritualité qui ne faisaient pas partie de son histoire.
Elle ressent le besoin de participer à un effort de formation et à une recherche théologique et pastorale pour une présence plus attentive et pertinente aux problèmes des « milieux populaires »
Les « institutions » mises en place depuis longtemps pour exercer cette responsabilité sont donc appelées elles aussi à évoluer.